Difficile de regarder le premier film de Dave Mc Kean sans trépigner sur mon séant de joie et d'impatience. En effet, ce n'est pas sans contentement que je
m'apprête à visionner ce long-métrage orchestré par Mc Kean, ce même personnage dont les créations graphiques, poétiques et illustratives bercent un
bon nombre de lecteurs de comics depuis plus de 15 ans. Citons donc les « Mr Punch », « Cages », « Black Orchid » , « Sandman », « Signal to
Noise » et le grand « Arkham Asylum », pour comprendre ce qu'il en retourne du trublion graphique (la liste s'allonge si l'on compte ses nombreuses créations pour des
pochettes de disque ou autres). Mac Kean est un talentueux touche à tout. Manipulant le dessin, la photo, la peinture, les volumes et la typographie,
il avait donné un coup de fouet au graphisme dans les années 90 par sa façon de travailler l'image et le sens onirique qu'il donnait à ses « remix » graphiques. Oui Mc Kean a du style, Mc Kean a son style. Mais non content d'avoir déjà exploré bon nombre de médias d'expressions, il se
lance dans la réalisation de son premier long-métrage (après avoir fait ses premières armes sur des clips et autres courts). Nom de code :
Mirrormask…
D'un scénario signé Dave Mc Kean et Neil
Gaiman, qui n'est pas un bras cassé de l'écriture (Sandman, Neverwhere, etc.), Mirrormask est un film fantastique et onirique sur la fuite d'une adolescente
dans un monde parallèle pour échapper à son quotidien qui l'étouffe. Oui, on pourrait croire qu'il est inspiré de Lewis Carroll. La trame lui rend un
certain hommage puis le film prend son envol et son style. Il est juste impossible de ne pas se faire la remarque sur la ressemblance du personnage d'Hélena avec une certaine Alice.
Helena, adulte sur le devenir, vit dans un cirque, celui de ses parents. Adolescente en pleine crise, elle ne supporte plus cette vie de foire et de cloisonnement dans le monde du
spectacle. Alors qu'au cours d'une soirée où sa mère perd conscience suite à son numéro, elle tente de trouver un moyen de s'évader de ce monde et cherche un moyen de sauver sa mère du
coma et du décès. Elle plonge alors dans un monde surréaliste peuplé d'images hostiles et de personnages atypiques qui la mettront à l'épreuve dans la quête de l'objet qui lui permettrait
d'arriver à ses fins, un masque doré au puissant pouvoir.
Visuellement et pour son premier film, Dave Mc Kean sort encore ses griffes et nous offre
un spectacle dans la lignée de ses précédentes réalisations imprimées. Ce long-métrage est magnifiquement beau et l'on voit que le bonhomme a travaillé son visuel et connaît la photo. Le
travail des cadrages est ciselé et chaque plan pourrait être affiché en guise d'illustration. On se promène dans ce monde altéré qui pourrait sortir tout droit d'un rêve le plus débridé.
Ici les chat ont des tètes d'hommes et ils mangent des livres.
Côté production, c'est The Jim Henson Company qui a prêté main-forte (remember Dark Crystal et
Fraggle rock ?) pour les créatures et autres marionnettes qui bénéficient alors du savoir-faire et la connaissance de ce studio anglais en animation et acting. Les
décors, matières, costumes, formes, personnages en décousent sévèrement pour le bon plaisir de la rétine du spectateur. Le monde parallèle est un patchwork d'idées et un remix de supports
tels que matières, montages photo, 3D, peintures, illustrations et j'en passe. A n'en point douter, le travail en postproduction et l'étalonnage couleur n'ont pas dus être une partie des
plus légères. Mais pas de souci, le résultat est au rendez-vous. Les cadrages et les couleurs sont superbes et l'on se délecte de toutes les idées que peuvent composer les images du
film.
Le casting est un peu délaissé. Je vais faire bref, aucune tète d'affiche. La post production a du manger tout le budget... On prête donc moins attention aux acteurs qui deviennent plus
des éléments visuels au final.
Malgré tout ce foisonnement visuel, j'ai pourtant un aveu à faire.
Même si c'est un film de mc Kean, j'ai senti une pointe de déception émerger en moi au générique final. Un « je ne sais quoi » qui ne m'a
pas concquis à 100% comme je l'attendais. Malgré l'aspect visuel qui vaut son pesant d'or, le fait de ne pas rentrer plus intensément dans l'histoire m'a laissé un peu sur le bas-côté. Le
film souffre du manque de l'étincelle qui absorbera le spectateur, l'attachement aux personnages, le danger, la difficulté de la quête, la sensibilité. Bref, tout ce qui donne une tension
et une existence au récit. Fort heureusement, c'est une lacune qui ne retire rien à l'intérêt du film qui mérite largement qu'on lui assène un violent coup d'œil pour son unicité
graphique. On frôle le chef-d'œuvre si le scénario avait été un peu plus prenant et à la hauteur du vertigineux graphisme de ce film.
Si vous fouillez votre mémoire en vous demandant si vous l'aviez vu à l'affiche, sachez que Mirrormask n'a bénéficié d'aucune copie en
France et n'est donc pas encore sorti sur nos toiles hormis quelques projections uniques lors de festivals spécifiques. Allez savoir pourquoi…
Yerom
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