Japon
- 2003 (Tokyo Godfathers) |
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Genre
: Conte de Noël urbain
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Tokyo, le soir du réveillon. Trois SDF, Gin la cinquantaine bien tassée, Hana un travesti en mal d'affection et Miyuki une adolescente en fugue depuis 6 mois, s'affairent parmi 20 bons mètres carrés de détritus, à retrouver un cadeau de Noël à l'attention de Miyuki, mis de coté quelques heures auparavant par le délicat Hana. Hélas le présent recherché ne semble pas vouloir refaire surface et une dispute éclate vite. Lors du joyeux déballage de noms d'oiseaux et de bousculades qui semblent coutumières, les trois compères sont interrompus par les pleurs d'un bébé, abandonné et échoué entre deux sacs poubelles. Surpris, mais animés d'une indignation commune, les cloches se mettent en tête l'idée de retrouver les parents de l'infortuné bambin. S'il reste en France des esprits retords à l'animation japonaise, et ce malgré les différents long métrages de qualité sortis en salle ces 15 dernières années, Tokyo Godfathers a de quoi gommer une bonne fois pour toutes, leurs à-priori post-Dorothée. Bénéficiant entre autres d'une réalisation technique impeccable, d'une finesse esthétique certaine, et d'une mise en scène remarquable, ce troisième long métrage de Satoshi Kon auteur du remarqué Perfect Blue, retrace avec une intelligence rare, le quotidien des sans abris Tokyoïtes, confrontés à une sordide histoire d'abandon. Autour du nourrisson rebaptisé Kyoko, chacun des protagonistes se renvoient leurs propres angoisses de laissés pour compte, et tentent de remettre à plat leur passif d'errance urbaine. Touché par une succession d'événements fantasques, d'occasions loufoques et de rencontres inattendues, Hana voit même en l'enfant, un signe de providence divine. Il faut bien admettre que certaines coïncidences constatées lors de la fastidieuse recherche des parents de Kyoko sont plus que troublantes... L'air de rien, la plume légère, Satoshi Kon donne à son histoire plusieurs niveaux de lecture, propices à l'imagination du spectateur. Jonglant d'entrée avec l'évocation des rois mages, et de l'esprit de Noël, certains passages s'avèrent surréalistes malgré l'approche de départ terriblement collée à la réalité. D'autres moments secondaires se distinguent par une mise en forme soignée et/ou franchement expressionniste (scène du conte des deux diables, diverses scènes de disputes, scènes de pause dans un café, dans une épicerie...) où le trait graphique passe parfois d'un état résolument rigoureux à une forme plus "jetée" lors d'étapes d'animation, le tout toujours au service de la narration. L'auteur alterne aussi avec le panache nécessaire, les scènes graves et celles rocambolesques, voire franchement burlesques dans une intrigue où chaque angle de rue d'un Tokyo plus vrai que nature, semble dissimuler un rebondissement. Satoshi Kon se sert de la diversité des quartiers tokyoïtes pour y faire vivre de nouvelles scènes, sous de nouvelles teintes, sous différents angles, donnant à l'oeuvre cette impression de canevas urbain, tissés d'instants de vie typiquement japonais. Fort d'un humour subtil de situation et d'un jeu d'acteurs profondément et exagérément expressif, on oublie parfois la mise en forme animée de ce long métrage, pour se croire tout simplement devant un film. A ce titre, on peut aisément l'assimiler à d'autres réalisations d'un Kitano ou d'un Almodovar par exemple... De ce cocktail
délicieux de fond et de forme, il en résulte 1h30 de plaisir pur, riche
en émotions variées, un vrai petit bijou animée, dont j'ai du mal à
saisir l'absence sur grand écran. En effet Columbia Tristar propriétaire
des droits de distribution en France, afin d'éviter de sortir en salle
un film qui au même moment sortait sous support DVD au Bénélux (donc
aisément disponible par correspondance) a préféré miser sur Steamboy,
autre poids lourd de l'animation japonaise. Seuls les aficionados du
festival d'Annecy, du Forum des images à Paris, de l'Etrange festival
de Strasbourg et de la Fête d'animation à Lille, ont eu l'honneur de
voir ce petit chef d'oeuvre sur grand écran, et de le féliciter en fin
de projection, d'une salve d'applaudissements. Pour les autres, il faudra
se contenter d'une visualisation DVDesque et d'une standing ovation
plus intime, devant son écran télé. |
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Le
pour :
superbe. Allez y les yeux ouverts. |