Il ne faut jamais désespérer. Voilà un film français récent et enthousiasmant qui faisait défaut aux colonnes de Cinematic. Le dernier Etienne Chatiliez donne dans ses thèmes de prédilections.
Deux braves employés de maison un peu limités et cleptomanes compulsifs délestent leurs riches employeurs de quelques bibelots avant de s'enfuir comme les voleurs qu'ils sont. Ils vivent au jour le jour, limite à la minute la minute, avant de tomber l'un sur l'autre. Jusqu'ici sans attaches et solitaires, ils vont désormais vivre sans attaches et solitaires, mais à deux.
Allant jusqu'à commettre leurs larcins sans discernement et culpabilité au sein de leur propre couple. Et comme l'objet est atypique, je ne tiendrais pas mon rôle de procureur habituel mais celui d'avocat.
Car ce film à subit, à mon sens, un traitement très injuste à sa sortie.
Hormis le caractère litigieux de l'affiche, qui n'est d'ailleurs pas indéfendable, J'ai cherché à savoir pourquoi ce déferlement d'anathèmes, cette quasi rage à tailler La Confiance Règne. Je l'ai donc regardé et j'ai compris.
J'ai ris à plusieurs reprises. C'est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup. Si j'ajoute que les rares humoristes actuels à me faire marrer sont Dieudonné, en spectacle, Ali G, sur Channel 4,
et la bande du Groland, sur Canal, vous serez probablement plus avancés sur notre affaire. Ce genre d'humour étant assez peu répandu sur les ondes et dans le cinéma made in France, je n'en suis que d'autant plus ravi quand je perçois une forme d'appartenance dans le film de Chatiliez.
Mais gardez bien à l'esprit que la France à mal au rire (avec une voix chevrotante à la Malraux).
A force de comiques au rabais, de membres ad vitam de l'académie française de l'humour, de compiles et autres classements de la vanne en tous genres,
une vision parcellaire de l'humour s'est peu à peu imposée au pays de Fernand Reynaud. Et elle ne s'est pourtant pas imposée toute seule.
Mougeotte et Le Lay l'y on bien aidée dans leur campagne sarkozyenne du politicaly correct pout tous. De la pensée unique sa mère.
Choisissez votre camp, adeptes de Laurent Gerra et autre Maxime de sinistre mémoire.
Pour l'heure, mon client n'avait d'autre ambition que de proposer une alternative au cinéma comique français. J'en veux pour preuve qu'il n'a pas embauché des expédients devenus très prisés, voire incontournables, voire obligatoires de ce genre qu'est la comédie. Des ex de la téloche. Non, Mesdames et Messieurs les membres du jury. Contre vents et marées, mon client à tenu bon la barre, et les dieux de l'humour savent pourtant que le navire "comédie" fait eau de toutes parts.
Vaillant, il a embauché des comédiens (avec une voix ronde et profonde à la Gabin). Des vrais. Elevés aux planches, aux cimaises et aux rideaux en velours bordeaux. Est-ce ce corporatisme qu'on lui reproche, alléguant un hypothétique manque d'ouverture? Un certain classicisme.
Pas de placements produits pour les chaînes de télé productrice de 7è art, mais une valeur ajoutée indéniable pour le spectateur. Et je vois bien dans l'œil de l'avocat général qu'il voudrait m'opposer cet argument facile qui veut que les comédiens de télé soient des comédiens tout court.
Tout court, c'est le terme approprié. Je n'en citerais que quelques tristes exemples pour étayer ma défense et n'être point fastidieux.
Espace Détente, Double Zéro, RRRrrrr !!!, Ma Femme S'Appelle Maurice...
On m'oppose alors que Vincent Lindon n'est pas convainquant. Qu'on me le prouve. Je trouve, au contraire, qu'il donne corps au personnage de Christophe avec humanité si la justesse n'est, quant à elle, pas toujours au rendez-vous. Certes, je lui eut préféré un Cluzet dans le rôle mais rendons justice au comédien, assez peu adepte de l'exercice comique, de se mettre ainsi en danger. Et rendons grâce, de grâce, à la si délicieuse Cécile De France de porter si haut les couleurs chamarrées et chatoyantes de l'espièglerie. Avec justesse, elle, et avec sa jolie frimousse, son p'tit nez en trompette, son mollet altier, son p'tit c... Mais... je m'emporte Monsieur le président, car bien que vêtue d'une robe, je n'en suis pas moins homme.
D'humanité il est justement beaucoup question dans les arguments fallacieux de la partie civile. Prétendant sans retenue que mon client à rendu
ses protagonistes inhumains, vulgaires. J'attaque en diffamation, direct. Insolite n'est pas synonyme d'inhumanité. Plutôt d'animalité.
Hors l'être humain... lalala... mammifère, évolué, mais mammifère quand même. D'ailleurs Vincent Lindon déclare avoir pris modèle sur le suricat pour l'interprétation de Christophe. Afin de rendre son personnage vif et impulsif.
Et entre vulgarité et poésie, la limite est parfois ténue. Je n'irais cependant pas jusqu'à affirmer que Véronique Genest ou Mathilde Seigner soient des poétesses.
- Plutôt un homonyme à deux lettres près.
Tiens, te voilà toi.
- continue, tu t'en sors pas mal.
Il ne s'agit pas non plus d'une opposition entre riches et pauvres comme les critiques rapides l'ont affirmés, mais d'une cohabitation entre ces deux mondes. Chrystèle et Christophe sont des Robins des bois. Ils volent aux riches pour donner aux pauvres. Et comme charité bien ordonnée...
ils gardent tout pour eux. D'une logique implacable.
C'est en fait le procès de la différence que l'on instruit ici. Voilà qui n'est pas très mainstream. Vous allez vous faire tirer les oreilles M le procureur.
Chrystèle et Christophe sont différents. Leur mode de fonctionnement n'est pas le notre. Voilà le pourquoi de ce rejet épidermique. Elle couche indistinctement avec des beaufs, des moches, des beaux, des gentils sûrement aussi. Les sentiments, le romantisme, la noblesse de l'acte,
c'est pas son truc. Lui ne juge pas. Les vieilles peaux cyniques et les gentils cinoques seront floués à la même enseigne et sans distinction.
Ils ne sont pas sans vergogne. Car ils ne savent pas ce qu'est la vergogne. Et ce constat n'a pas de justification sociétale à 1 euro 50.
Ils sont juste comme ça. Des imbéciles heureux.
Il semblerait que l'adjectif épithète soit ce qui ai vraiment dérangé certains bien pensants. A force de trop penser.
Pour en rester aux réquisitoires, je pense qu'ils sont la conséquence d'une lecture erronée de ce film. Bien sur Chatiliez brasse la richesse et la pauvreté. Mais il ne les met pas en balance (de la justice). Il les traite également. Et ne pas le percevoir révèle un bon gros aveuglement (de la justice aussi).
Ils ne s'agit des "pauvres" pauvres contre les "riches" riches.
- A la rigueur, ce serait plus ces "salops" de pauvres.
Et je ne vais pas vous faire non plus le couplet de "qui sont les vrais riches de l'histoire" bien que je sois un putain d'avocat. Mon client à en fait une profonde tendresse pour ses personnages. Tous ses personnages.
Lui prêter des intentions aussi basses que le cynisme et le mépris est, outre un non sens, faire injure à son intelligence et à celle de ses comédiens.
Je tiens par ailleurs à attirer l'attention du jury sur le passé irréprochable de mon client. Il à d'ailleurs eut recours à un traitement psychologique tant les viles attaques dont il a été l'objet, l'ont affectées. Alors qu'il lui suffisait de recourir à un bon avocat. Votre serviteur (avec une courbette à ras de terre).
C'est pourquoi je compte faire appel d'une éventuelle condamnation devant la cours européenne des droits de l'homme. Pour les dommages et intérêts que j'entends obtenir, veuillez m'envoyer un sms afin d'obtenir mes n° de comptes en Suisse. Je prends 20%.
Messieurs les censeurs...
Aswip'
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